Plastique psychédélique: Introduction
Allô la Lune, ici la Terre !
Dans les décombres de cinquante ans de consommation frénétique, nous nous sommes réveillés. Plusieurs décennies d’un festin gargantuesque de biens vite produits, vite engloutis et plus vite encore débarrassés avaient commencé de montrer des signes. Taches dérangeantes d’une affreuse peinture parsemant les paysages sauvages, les détritus multicolores étaient devenus omniprésents. Cette débâcle de déchets déchaîna une vague d’indignation publique et leva le rideau sur l’un des nombreux poisons que l’humanité inoculait à la terre. Les décharges à ciel ouvert de Manille et les gyres océaniques où s’entassaient des déchets du monde entier parlaient d’une même voix: il ne s’agissait plus d’un problème de pollution localisée mais d’une crise globale. Les plastiques visibles n’étaient pourtant que la pointe de l’iceberg.
Pour donner une deuxième chance à ces plastiques destinés aux ordures, la réponse unanime de l’industrie a été de les réintégrer dans le cycle de production. D’innombrables projets ont commencé et continuent de promouvoir les fruits de ce recyclage, des fameux tapis en PET recyclé aux vêtements faits à partir de plastique des océans.
La plupart des textiles, en particulier les vêtements de sport, sont fabriqués à partir de matériaux synthétiques, littéralement, des fils de plastique fondu. Ils sont à peine différents des emballages que l’on retrouve dans les décharges, hormis par le fait qu’ils relâchent encore plus vite leur composés chimiques. Par le portage et le lavage, ces textiles perdent des fibres qui se mélangent à l’air et à l’eau pour finir leur trajet dans les sols, dans les lacs et dans les océans.
Demandez au poisson
Le poisson qui ingère quotidiennement des fibres de plastique neuf et des fibres de plastique recyclé vous dira qu’il n’existe aucune différence entre les deux. S’il y a jamais eu un doute quant à la capacité du plastique à prendre le contrôle sur nous, les micro et nano-plastiques ont mis un terme au débat. Ils ont infiltrés la vie à toutes ses étapes au point d’atteindre jusqu’à notre sang, nos organes et nos cerveaux. Là, leur chimie entre en action: les substances toxiques qu’ils contiennent sont relâchées et bouleversent les organismes vivants en détraquant les systèmes hormonaux et les processus vitaux.(1)
Nous sommes en danger: le discours du bien-faire en recyclant le plastique nous pousse à croire qu’une circularité toxique devrait être perpétuée. Comme nous aimons à le dire, la dynamique du plastique recyclé équivaut à retirer un tissu infecté et nocif d’un corps pour le réinjecter sous une autre forme dans ses veines. Le plastique recyclé ne fait que gagner du temps. Il se dissimule derrière un écran de fumée qui une fois dissipé nous forcera à admettre que ça n’était que du vent. Dans les faits, nous aurons juste empêché de vraies solutions d’apparaître. Entretemps, nous aurons empiré la situation(2).
Réapprendre à danser
Aussi sombre que les choses paraissent, tout n’est pas perdu. Nous avons encore l’opportunité de repenser notre manière de vivre; de choisir un chemin plus sûr, moins toxique, moins polluant. Et nous pouvons le faire un vêtement après l’autre.
Sources
(1) A. C. Gore, V. A. Chappell, S. E. Fenton, J. A. Flaws, A. Nadal, G. S. Prins, J. Toppari, R. T. Zoeller, EDC-2: The Endocrine Society's Second Scientific Statement on Endocrine-Disrupting Chemicals, Endocrine Reviews, Volume 36, Issue 6, 1 December 2015, Pages E1–E150, https://doi.org/10.1210/er.2015-1010
(2) OECD (2024), "Global Plastics Outlook: Plastic waste by end-of-life fate - projections", OECD Environment Statistics (database), https://doi.org/10.1787/3f85b1c2-en (accessed on 08 February 2024).