Re-constuire un vêtement : les petits riens
“Sans plastique” est notre affirmation la plus radicale, elle ne signifie pas moins de plastiques ou des bioplastiques, mais bel et bien 0% de plastique, nulle part. Pour y prétendre, trouver des tissus naturels ne suffit pas, chaque composant même le plus insignifiant doit être sans plastique. Et avant de mettre les mains dans le cambouis, on ne réalise pas à quel point le plastique est partout. Trouver des zips sans plastique s’est révélé être d’une complexité sans précédent. Si nous avions un grand choix de dents en métal, les rubans en coton n’existaient pas en revanche. A ce jour, ils sont tous partiellement ou entièrement en polyester.
Nos fournisseurs n’en démordaient pas, créer des rubans de coton spécialement pour nous n’avait aucun sens financier. Comme les chiffres ne s’alignaient pas de notre côté, nous avons dû utiliser notre plus grande force, l’enthousiasme. Il nous a fallu du temps, mais nous avons fini par les convaincre de l’impact que Mover pouvait avoir. Ainsi que les perspectives que le vêtement sans plastique ouvrait. C’était une passe décisive, nous avions gagné une ressource rare et des alliés puissants embarqués dans le projet.
Du côté des étiquettes, c’est la même histoire. Les encres industrielles contiennent du plastique et donc les mêmes composants toxiques. En remuant un peu dans la boue, on peut trouver des imprimés non-toxiques mais quand il s’agit de motifs brodés les choses se corsent vraiment.
Comme partout ailleurs, le plastique a tout remplacé ; on ne brode plus au coton mais au polyamide. Les recherches ont donc repris de plus belle et plus incertaines que jamais, mais nous avons finalement trouvé une petite entreprise italienne (peut-être la seule au monde) qui maintient en vie la broderie au fil de coton. Ces étiquettes brodées sont le meilleur gage d’authenticité d’un vêtement Mover. Si vous en regardez une de près, vous verrez un fil noir dépasser et ce petit fil garantit à lui seul la provenance de votre article. Le coton, comme il n’est pas dérivé du plastique, ne peut pas être scellé comme le serait une bande de polyamide, tout simplement. Et il n’y aura jamais de faussaire assez, disons-le, obsédé par l’idée pour aller chercher ces petites étiquettes 100% coton.
Un autre moyen de déceler la contrefaçon de demi-mesure, est de renifler en toute honnêteté votre vêtement après une longue randonnée. L’intensité de l’odeur vous renseignera vite.
Vous avez dû le comprendre, ce sont les détails les moins importants qui illustrent la pleine ampleur du projet Mover. Au-delà des zips et des broderies, notre conviction allait être mise à l’épreuve par le plus petit dénominateur du vêtement. Il nous avait fallu plusieurs années de négociations et de recherche obsessionnelle pour trouver des tissus adaptés et des accessoires sans plastique, et pourtant le plastique n’arrêtait pas de se jouer de nous. Son dernier tour, et le plus vicieux : impossible d’assembler nos vêtements. Nos fabricants ne pouvaient plus coudre avec une autre fibre que le polyester. Si nous pliions face à ce dernier obstacle, nous pouvions dire adieu à notre certification 0% et donc au projet entier. L’heure n’était pas au découragement, bien au contraire, c’était notre chance de devenir légitimes. Nous nous étions proclamés les ennemis du plastique et la vraie bataille commençait.
La clé d’un problème se trouve souvent en adoptant un point de vue mobile, car le contexte est bien plus important que l’objet de la nuisance. La solution nous est apparue à travers le chas d’une aiguille. Effectivement, il n’y avait plus une aiguille adaptée à la couture au coton, remplacé au fil des décennies par du synthétique. A force de discussions, nos producteurs se sont résolus à ce geste passablement anodin pour eux mais historique pour nous. Nous avons accompli l’inimaginable, créer un vêtement entièrement à base de coton, plus performant que son équivalent en synthétique.
