Sans action climatique, il n’y aura pas de paix
Amitav Ghosh, La Malédiction de la Muscade: une contre-histoire de la modernité
Pourquoi avoir déclaré la guerre à la nature?
Nous vivons sur une planète-système, où les interactions occupent l’essentiel de nos jours. Depuis le caillou dans notre chaussure jusqu’au randonneur à qui nous faisont signe sur une crête, les éléments de la nature savent se frayer un chemin vers nous.
Ces relations n’ont pas toujours été calmes, loin de là. Mais même dans leur conséquences les plus dramatiques, lorsque la violence envers humains et nature escaladait, il se trouvait toujours une oreille attentive pour capter les demande de paix, et les transmettre. La possibilité d’une trêve, d’un asile restait envisageable. Mais désormais, il n’y a plus rien de tel, ni sur terre, parmi les humains, pas même de refuge de l’esprit.
Et pourtant, plus que jamais auparavant, la paix est nécessaire. Il ne s’agit pas seulement de rétablir la sécurité, mais aussi, surtout, d’envisager une distribution juste de la prospérité qui suit la paix. Nous ne pouvons pas nier que nos destins sont irrémédiablement liés à celui de la Terre, que nous nous épanouirons sous son soleil ou brûlerons dans sa fièvre.
Dans notre réalité de murs et de priorités mal placées, l’attention qu’il nous reste est dirigée ailleurs. Les sons qu’il nous était naturel d’entendre sont devenus ténus, alors que nous nous coupons de la toile des choses vivantes. La température grimpe, et les sols débordent de poison, et malgré tout, elles continuent de nous parler, avides de contact et de réunion. Climate Action Live nous offre d’être l’oreille collective qui nous fait défaut, c’est une invitation à accueillir les voix de la nature, d’une économie résiliente et d’une politique bienveillante. Ecoutons ce qu’elles ont à nous dire:
«Nous savons que notre Terre-Mère pleure, et nous savons qu’elle n’a pas besoin de nous pour se sauver, tout ce qu’elle demande c’est que nous la respections.»
Nemonte Nenquino et Mitch Anderson sont co-fondatrice et fondateur de Ceibo Alliances et d’Amazon Frontlines, dont la mission est de préserver la forêt amazonienne. Ces organisations travaillent avec les nations indigènes et des partenaires internationaux pour contrer la menace des forages pétroliers, de l’exploitation forestière illégale et de l’extraction minière. Leur approche à l’écologie est inhabituelle, elle s’enracine dans les rêves des peuples indigènes pour leur terre natale. Elle catalyse leurs aspirations à travers l’éducation des femmes et les transforme en énergie politique.
En 2023, leurs efforts ont donné lieu à un événement sans précédent, un référendum populaire pour interdir l’exploitation pétrolière du parc national de Yasuni remporté par une forte majorité: 60 des votant.e.s Ecuadorien.ne.s se sont prononcé en faveur de la survie d’un écosystèmes parmi les plus florissants au monde. C’est un succès immense et un plaidoyer pour un activisme plus inclusif. Nemonte se décrit comme un miroir humain de la planète, qui reflète les espoirs d’une mère pour ses enfants et souffre de voir leur futur incertain. Elle explique les retombées immenses que les actions de l’Occident ont sur les peuples et les terres amazoniennes. En effet, nos choix quotidiens sont une puissance énorme. C’est un levier qui s’abat en ce moment sur leurs têtes, mais qui peut être retourné et devenir un tremplin pour leurs efforts. Pour Nemonte, réduire notre consommation et apprécier les dons de la nature à leur juste valeur est un pas décisif en direction d’une action climatique fondée.
«Le plastique mène une guerre contre la nature, par extension nous aussi.»
Sîan, co-fondatrice de A Plastic Planet, se bat pour mettre un terme à la pollution plastique. Ce n’est seulement un problème environnemental mais aussi une menace pour la santé. Les produits chimiques contenus dans les particules de plastiques attaquent les systèmes hormonaux. Ils dégradent la fertilité, favorisent le développement de cancer et de maladies auto-immunes. Ce qui interroge de plus en plus; Sîan mentionne leur travail lors des négociations du Traité plastique des Nations Unies. Le plastique est une porte d’entrée à l’action climatique, dit-elle, car il est fondamentalement lié à la surconsommation et à la surproduction. Au-delà d’une meilleure gestion des déchets, A Plastic Planet est dédié à promouvoir les nouvelles matières et les innovations qui pourraient faire disparaître le danger d’un plastique toxique. Sîan partage son enthousiasme, “qu’allons-nous inventer à la place? Quels matériaux pouvons-nous imaginer?” demande-t’elle. Designer le futur est un défi attrayant et un appel à créer une économie réellement circulaire inspirée des systèmes naturels. Dans ceux-ci, il n’y a pas de déchets, seulement des nutriments restitués à la terre, riches de potentialité. Cette approche s’oppose à l’économie actuelle basée sur des plastiques qui ne se décomposent pas et diffusent du poison à tout jamais. L’appel est lancé, l’industrie et les gouvernements doivent accélérer leur efforts pour innover et développer des matériaux durables afin de se libérer de leur dépendance au plastique. Et ainsi écarter la menace qui pèse sur la santé humaine et l’équilibre des écosystèmes.
«La transformation se produit à l'échelle mondiale, de manière systémique, parce que tout le monde y participe. C'est un frein au progrès.»
Sebastian Copeland est un explorateur polaire et un défenseur du climat. A travers ses voyages, il est un témoin de première ligne de la beauté complexe et délicate des pôles. Malgré leur résistance à la conquête humaine, ces derniers sont des points cruciaux qui absorbent les impacts des actions humaines et les distillent en une puissance globale. Les régions polaires sont le système d'alerte précoce de la Terre, où d'infimes changements de température perturbent un réseau de systèmes soigneusement équilibrés de l'Arctique à l'Antarctique, et annoncent des répercussions globales. Copeland explique que la planète est familière des variations de températures. Elle oscille entre chaud et froid durant des cycles millénaires dictés par ses mouvements dans l’espace, ce qu’il est en train de se passer cependant, n’en fait pas partie. C’est dû à nous, les humains. L’objectif de rester à +1.5°C est une ligne de vie bien fragile, qui se dirige plus probablement entre 2.5 et 2.9 degrés, et ce avec des conséquences de plus en plus dramatiques. “Le changement climatique n’a pas besoin de passeport” dit-il, et ce que nous choisissons de faire ou non nous reviendra sous les formes les plus imprévisibles.
Alors que la subsistance d’une grande partie de la population planétaire se trouve sous une pression grandissante, au point de la dévastation, le changement climatique alimente les conflits politiques en attisant la peur de l’autre. Copeland promeut la collaboration entre les entreprises, les gouvernements et les consommateur.trice.s dont les actions ont le pouvoir de nous faire pivoter vers un horizon plus durable et serein.
Sur notre vaisseau-terre, il n’existe pas de passagers, seulement un équipage
Oui, le changement nécessaire est immense, et les enjeux plus élevés que jamais. Les efforts d’un.e seul.e ne suffiront pas, d’ailleurs ça n’est pas ce qu’on nous demande. Une fois pour toute, nous ne sommes pas seul.e.s ! Autour et parmi nous, beaucoup de voix cherchent cherchent à porter leur message et à conseiller celles et ceux qui veulent bien les écouter. Alors que faut-il retenir de Climate Action Live 2024 ?
— Prêtez l’oreille: la nature vous entoure et vous en faites partie, si vous l’écoutez, vous en apprendrez beacoup sur vous-même. Nemonte dit que moins on en sait sur quelque chose, plus il est facile de le détruire. Nous pensons que plus nous en savons sur nous, plus nous serons aptes à le protéger.
— Soyez la roue qui grince: refusez de vous conformer et faites le ouvertement. Pour Sîan, c’est au travail que cette démonstration gagne sa pleine puissance, là où nous avons le pouvoir d’ériger les portes d’un monde régénératif.
— Interrogez: préparez-vous pour la suite, encourage Sebastian, en apprenant et en enseignant, vous soutenez la vision. Equipé.e du savoir, vous serez capable de vous mettre en marche avec un coeur et des oreilles ouvertes.
Il est peu probable que les arguments de durabilité suffisent à gagner la cause à eux seuls, mais nos efforts pour mener une vie bonne et pleine de sens oui. En cet instant, nous pouvons nous aussi prendre part à cette grande Conversation, qui nous regarde après tout, et jouer un rôle actif dans l’écriture de notre histoire. Comme le vaisseau largue les amarres, nous avons le choix de rester à quai ou de prendre les rames pour une sacrée traversée. Comme on aime à penser dans le monde du sport, le plaisir est d’autant plus doux s’il vient après l’effort.